Service de Stomatologie et de Chirurgie Maxillo-Faciale,Hôpital de la Salpêtrière, 45, Bd de l’Hôpital, 75013 Paris. Tirés à part : L. Ben Slama, Service de Stomatologie et de Chirurgie Maxillo-Faciale, Hôpital Tenon, 4 rue de Chine, 75020 Paris.
CAS No 1
Un homme de 34 ans consulte à la demande d’un con- frère hospitalier pour traitement de lésions gingivales évo- luant depuis plusieurs mois, augmentant progressivement de volume, devenant douloureuses et saignotant lors du brossage. Le patient a bénéficié deux ans auparavant d’une greffe rénale ayant entrainé la prise de Mycophéno- late mofétil (Cellcept® 750 mg/j), Prednisone (Cortancyl® 10 mg/j) et Ciclosporine (Néoral® 150 mg/j). L’examen cli- nique confirme la présence d’une hypertrophie gingivale localisée dans le seul secteur antérieur des maxillaires. Celle-ci est par endroits inflammatoire, associée à la pré- sence de plaque dentaire.
Quel est votre diagnostic ?
CAS No 1
Un homme de 34 ans consulte à la demande d’un con- frère hospitalier pour traitement de lésions gingivales évo- luant depuis plusieurs mois, augmentant progressivement de volume, devenant douloureuses et saignotant lors du brossage. Le patient a bénéficié deux ans auparavant d’une greffe rénale ayant entrainé la prise de Mycophéno- late mofétil (Cellcept® 750 mg/j), Prednisone (Cortancyl® 10 mg/j) et Ciclosporine (Néoral® 150 mg/j). L’examen cli- nique confirme la présence d’une hypertrophie gingivale localisée dans le seul secteur antérieur des maxillaires. Celle-ci est par endroits inflammatoire, associée à la pré- sence de plaque dentaire.
Quel est votre diagnostic ?
Réponse
Le diagnostic dans ce cas est relativement simple : il s’agit d’une hypertrophie gingivale liée à la prise de ciclosporine. Elle atteint essentiellement les papilles inter-dentaires, qui sont de couleur rose pâle et de consistance ferme. Sa fré- quence est variable, de 15 à 80 %. Elle apparaît 3 à 4 mois après le début du traitement, mais parfois plus tôt ou beaucoup plus tard, avec une intensité dépendante de la dose. La mauvaise hygiène bucco-dentaire joue un rôle important. L’hypertrophie gingivale se caractérise histologiquement par une hyperplasie du tissu conjonctif et des vaisseaux et l’association d’une fibrose et d’infiltrats inflammatoires lympho-plasmocytaires. Il n’y a pas lieu de réaliser une biopsie préalable, la con- firmation histologique pouvant être apportée lors de l’exa- men de la pièce d’exérèse. Dans ce cas précis, le traitement a consisté d’abord en l’élimination mécanique de la plaque dentaire, suivie de deux cures d’azithromycine (Zithromax® 250 mb, 2 cps/j pendant 3 j, arrêt une semaine puis reprise selon le même mode, hors AMM). Ceci a entraîné une réduction de près de 50 % de l’hypertrophie gingivale. En raison de la gêne fonctionnelle et esthétique, une gingivectomie au bistouri
électrique a été réalisée sur le volume excédentaire rési- duel. La récidive étant inéluctable si la ciclosporine est conti- nuée à la même posologie, une recommandation de dimi- nution de la posologie avec suppléance par d’autres immunodépresseurs, dans la mesure du possible, a été faite au prescripteur. Le patient a été incité à une hygiène plus rigoureuse.
RÉFÉRENCES
1. Doutre MS. Ciclosporine. Ann Dermatol Venereol, 2002;129: 392-404. 2. Salard D, Parriaux N, Derancourt C, Aubin F, Bresson-Hadni S, Miguet J-P, Laurent R. Manifestations dermatologiques chez les transplantés hépatiques. Ann Dermatol Venereol, 2002;129: 1134-8. 3. Rateitschak-Plüss EM, Hefti A, Lörtscher R, Thiel G. Initial obser- vation that cyclosporin-A induces gingival enlargement in man. J Clin Periodontol, 1983;10:237-46. 4. Pisanty S, Rahamim E, Ben-Ezra D, Shoshan S. Prolonged sys- temic administration of cyclosporin A affects gingival epithe- lium. J Periodontol, 1990;61:138-41. 5. Daly CG. Resolution of cyclosporin A (CsA)-induced gingival enlargement following reduction in CsA dosage. J Clin Period- ontol, 1992;19:143-5. 6. Seymour RA, Smith DG. The effect of a plaque control pro- gramme on the incidence and severity of cyclosporin-induced gingival changes. J Clin Periodontol, 1991;18:107-11.
Pathologie de la muqueuse buccale
L. Ben Slama
Service de Stomatologie et de Chirurgie Maxillo-Faciale,Hôpital de la Salpêtrière, 45, Bd de l’Hôpital, 75013 Paris. Tirés à part : L. Ben Slama, Service de Stomatologie et de Chirurgie Maxillo-Faciale, Hôpital Tenon, 4 rue de Chine, 75020 Paris.
CAS No 2
Une jeune fille de 21 ans se présente à la consultation avec de multiples nodules de 4 à 5 mm de diamètre au niveau de la pointe et des bords marginaux de la langue et de la lèvre supérieure, apparus en quelques semaines, occasionnant une gêne discrète à l’élocution. Le reste de l’examen clinique est normal, en particulier, il n’y a pas de lésion cutanée notable. Un bilan biologique réalisé en ville est normal, incluant une sérologie VIH 1 et 2 négative. Dans les antécédents, la patiente signale un phéochromo- cytome surrénalien diagnostiqué et traité 2 ans aupara- vant. Un nodule thyroïdien récemment découvert est en cours d’exploration.
Quel est votre diagnostic ?
Figure 2 : Histologie (HES X 25). Epithélium d’aspect normal, les nodules étant constitués de multiples filets nerveux entourés d’un périnèvre épaissi.
Réponse
Les nodules observés, de petite taille, sont localisés, cir- conscrits et font évoquer d’emblée des tumeurs bénignes. Les diagnostics évoqués ont été fibromes, verrues, neuro- fibromes ou fibro-xanthomes. Les verrues et neurofibro- mes paraissaient peu probables en absence de lésions cutanées associées ou de contexte d’immuno-dépression pouvant justifier la présence de multiples lésions buccales à human papilloma virus (hpv). Cinq nodules de la pointe de la langue ont été enlevés sous anesthésie locale et adressés à l’anatomopatholo- giste (fig. 2). Le compte-rendu note un épithélium d’aspect normal, les nodules étant constitués de multiples filets nerveux entourés d’un périnèvre épaissi. Ce carac- tère permet d’exclure le diagnostic de névromes solitaires. Le diagnostic retenu est celui de névromes myéliniques, évoquant une maladie héréditaire pouvant associer ce tableau à un cancer médullaire thyroïdien. Lors de la con-
sultation de contrôle, la patiente confirme ce diagnostic, aboutissement de l’exploration signalée. Elle est prise en charge en endocrinologie pour complément de bilan et traitement. L’association d’une neurofibromatose de von Reclin- ghausen et d’un phéochromocytome est relativement courante, mais les névromes muqueux multiples sont tou- jours associés aux signes cutanés de cette maladie, et la distribution des lésions muqueuses est différente. L’asso- ciation de multiples neurofibromes muqueux à un phéo- chromcytome et à un carcinome médullaire thyroïde fait partie des syndromes des néoplasies endocrines multiples (« multiple endocrine neoplasia syndrome » ou « MEN syndrome »). Trois types différents sont actuellement dis- tingués. Le cas présenté correspond au IIb associant à la triade décrite une hyperplasie des nerfs cornéens. Habi- tuellement, les névromes muqueux apparaissent long- temps avant les pathologies malignes associées dans ces syndromes, ce qui présente un réel intérêt de dépistage. L’étio-pathogénie de ces multiples néoplasies endocri- nes s’explique par un trouble métabolique survenant lors de la migration des cellules d’origine neuro-ectodermique à partir des crêtes neurales, les unes se différenciant en cellules glandulaires, les autres en tissus nerveux.
RÉFÉRENCES
1. Jain S, Watson MA, DeBenedetti MK, Hiraki Y, Moley JF, Milbrandt J. Expression profiles provide insights into early malig- nant potential and skeletal abnormalities in multiple endocrine neoplasia type 2B syndrome tumors. Cancer Res, 2004;64: 3907-13. 2. Lee NC, Norton JA. Multiple endocrine neoplasia type IIb. Genetic basis and clinical expression. Surg Oncol, 2000;9:111-8. 3. Edwards M, Reid JS. Multiple endocrine neoplasia syndrome type IIb: a case report. Int J Paediatr Dent, 1998;8:55-60. 4. Cribier B, Grosshans E. Tumeurs cutanées nerveuses rares. Ann Dermatol Venereol, 1997;124:280-95. 5. Joshi VV, Silverman JF. Pathology of neuroblastic tumors. Sem Diagn Pathol, 1994;11:107-17. 6. Ayala F, DeRosa G, Scippa L, Vecchio P. Multiple endocrine neo- plasia, type IIb. Dermatologica, 1981;162:292-9. 7. Rashid M, Khairi A, Dexter RN, Burzynski NJ, Johnson CC. Mucosal neuroma, pheochromocytoma and medullary thyroid carcinoma: multiple endocrine neoplasia. Medicine, 1975;54: 89-112.