Cancers du versant muqueux de la lèvre inférieure Cette localisation est fréquente dans les populations qui ont l’habitude de garder du tabac dans le vestibule buccal, surtout en Inde, au sud est asiatique mais aussi au Soudan [4];letabac est maintenu dans le vestibule, soit avec de la chaux éteinte (« catachu ») soit avec une noix ou feuille de betel (« pan ») ou noix d’Arèque. Au Cambodge, le bétel chiqué est une habitude féminine, et ce type de cancer est le plus prépondérant chez la femme. Enfin chez les patients qui placent du tabac à priser danslevestibulebuccalinférieur,desleucoplasiestypiquespeu symptomatiques se développent, uniformes mais mal circonscrites (figure 6). C’est en particulier le cas aux Etats-Unis surtout chez les femmes (snuff dipper’s keratosis). L’âge avancé et une consommation anormalement élevée d’alcool sont des facteurs favorisant l’apparition du cancer. Le carcinome épidermoïde adénoïde kystique ou cylindrome, rare dans cette localisation, n’est qu’une variante du carcinome épidermoïde se développant à partir des glandes salivaires accessoires de la face interne des lèvres.
Cancers de la commissure labiale Ces tumeurs sont rares (4 % des cancers des lèvres). La lésion est une ulcération fissuraire à base indurée dont l’extension se produit avec prédilection vers la muqueuse jugale et non la peau ; elle siège danscertains cas uniquement sur la muqueuse rétrocommissurale, affleurant la commissure proprement dite. Elle succède généralement à une leucoplasie le plus souvent d’origine tabagique (en Inde particulièrement, du fait de fumer le « bidi », cigarette à bon marché). La présence chronique de Candida albicans est fréquente, faisant discuter la possibilité que la lésion soit, à l’origine, celle d’une candidose chronique.
Desformesverruqueusesdecarcinomepeuventêtreobservées aux commissures labiales. Il s’agit le plus souvent de transfor- mation maligne d’un carcinome verruqueux d’Ackerman (ou papillomateuse orale floride) ou de l’évolution d’une PVL (Proliferative verrucous leucoplakia) [7].Danslepremier cas, il s’agit souvent d’une lésion papillomateuse jugale plus ou moins verruqueuse qui s’étend en nappe et atteint la commissure (figure 7). Différents stades histologiques (stade I, aspect de papillome avec gros bourgeons épithéliaux renflés à la base), stade II avec apparition de petits bourgeons secon- daires sur les faces latérales des papilles et épaississement des couches cellulaires basales) rendent compte de l’évolution inexorable de ces lésions vers un carcinome infiltrant (stade III). Les types 16 et 11 du HPV ont été détectés dans ces lésions orales. Le traitement est chirurgical suivi d’une surveillance rapprochée pour détecter lesrécidives, fréquentes. L’irradiation de ces lésions n’est pas recommandée en raison du risque d’évolution vers des carcinomes anaplasiques. Des atteintes ganglionnaires ont été occasionnellement rapportées et les métastases sont rares. Dans la PVL, la lésion de départ peut être une leucoplasie homogène évoluant progressivement pour devenir inho- mogène avec des dysplasies, puis éventuellement nodulaire et/ou verruqueuse avec transformation maligne.
Explorations La découverte d’un carcinome épidermoïde labial impose la recherche, chez les fumeurs, d’une deuxième localisation au niveau des VADS par un examen complet de la cavité buccale, de l’oropharynx, du larynx et de l’hypopharynx : une panen- doscopie peut être proposée. Une radiographie pulmonaire et une échographie hépatique complètent ces explorations. Pour
les tumeurs de grande taille (> 2 cm), ou en présence d’adé- nopathie, on demande une tomodensitométrie de la région cervicale pour mieux juger de l’extension locorégionale.
Traitement Les carcinomes épidermoïdes labiaux relèvent de la chirurgie d’exérèse avec plastie de reconstruction (techniques de Dief- fenbach, Bernard, Abbé, Estlander, Gillies, McGregor, Ginestet, Meyer et Shapiro, Johansen, Fries, etc.) [10]. L’aspect fonctionnel est un élément primordial de toute recon- struction labiale. Les carcinomes de plus de 2 cm de diamètre associent un évidement ganglionnaire cervical prophylactique, éventuelle- ment combiné avec la radiothérapie selon le nombre de gang- lions atteints et la présence de ruptures capsulaires. Pour certains, un évidement ganglionnaire au moins sus-hyoïdien est indiqué d’emblée pour toute tumeur supérieure à 1 cm. La technique d’exérèse par étapes de Mohs nécessite une équipe entraînée et demeure peu pratiquée en France. La radiothérapie directe sur la lesion, et particulièrement, la curiethérapie est actuellement exceptionnelle.
Le taux de survie à 5 ans est > 80 % pour tous les auteurs et peut atteindre 96,7.
Autres carcinomes labiaux
Les tumeurs malignes des glandes salivaires accessoires la- biales sont exceptionnelles, comparées à celles des glandes salivaires principales ou accessoires dans d’autres localisations (palais). Les cylindromes (carcinomes adénoïdes kystiques) et lestumeurs muco-épidermoïdes sontsurtout localisés àla lèvre inférieure. L’aspect est celui d’un nodule qui devient ulcéré. Leur évolution est plus ou moins rapide et les métastases sont relativement précoces. Le carcinome basocellulaire est le plus fréquent des cancers cutanés. Il est exceptionnel dans sa localisation sur le versant cutané labial, plutôt supérieur. Le développement de la tumeur est lent et sa malignité est purement locale. L’aspect typique est celui d’une ulcération cutanée entourée d’un bourrelet perlé. Le type le plus fréquent est l’épithélioma plan cicatriciel (figure 8). Les formes ulcéreuses ou infiltrantes sont possibles.
Conflits d’intérêts : aucun
Références
[1] Fédération nationale des observatoires régionaux de la santé. Le cancer dans les régions de France. Collection «Les études du réseau des ORS» 2005. http://www.fnor- s.org/fnors/ors/travaux/synthesekcer.pdf.
[2] Menegoz F, Lesec’h JM, Rame JP, Reyt E, Bauvin E, Arveux P et al. Lip, oral cavity and pharynx cancers in France : incidence, mortality and trends (period 1975–1995). Bull Cancer 2002;89:419-29.
[3] Szpirglas H, Ben Slama L. Pathologie de la muqueuse buccale. EMC. Paris: Elsevier; 1999. (pp. 141–170). [4] Piette E. Pathologie des lèvres. Traité de pathologies buccale et maxillofaciale.
Bruxelles: De Boeck Université; 1991 . (pp. 865–911). [5] Parkin DM, Whelan SL, Ferlay, Storm H. Cancer incidence in five continents. Vol. I to VIII IARC CancerBase No 7, Lyon 2005. [6] Zitsch 3rd RP, Park CW, Renner GJ, Rea JL. Outcome analysis for lip carcinoma. Otola- ryngol Head Neck Surg 1995;113:589-96.
[7] Ben Slama L. Lésions précancéreuses de la muqueuse buccale. Rev Stomatol Chir Max- illofac 2001;102:77-108. [8] Zitsch 3rd RP, Lee BW, Smith RB. Cervical lymph node metastases and squamous cell carcinoma of the lip. Head Neck 1999;21: 447-53.
[9] Le Charpentier Y, Auriol M. Histopathologie bucco-dentaire et maxillo-faciale. Paris: Masson; 1998. (pp. 94–96). [10] Coppit GL, Lin DT, Burkey BB. Current concepts in lip reconstruction. Curr Opin Otolaryngol Head Neck Surg 2004;12: 281-7.
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